Tim Izzo @5ika.ch

En parallèle de mon activitĂ© Ă  Octree, j’assure le rĂ´le de chargĂ© de cours Ă  CREA depuis 6 ans et j’ai sporadiquement l’occasion de donner des masterclasses au sein de la formation digitale chez RĂ©alise.

RĂ©cemment, on m’a plusieurs fois demandĂ© mon avis sur l’utilisation de ChatGPT et autres LLM dans le cadre de l’enseignement. C’est une question qui demande rĂ©flexion et je profite d’avoir un blog pour dĂ©tailler ma pensĂ©e (je prĂ©cise que j’enseigne dans l’informatique et que ma rĂ©flexion se place dans ce contexte).

Tout d’abord, je ne pense pas qu’il soit pertinent d’ĂŞtre pour ou d’ĂŞtre contre l’utilisation des “IA”. Qu’on le veuille ou non, elles vont ĂŞtre de plus en plus prĂ©sentes dans nos vies. Reste Ă  dĂ©finir comment et pourquoi.

Comme pour Internet et le Web, il est important de garder Ă  l’esprit que l’IA est un outil pour les humains. Comme tout outil, sa raison d’ĂŞtre est de nous donner plus de force et de possibilitĂ©s, pas nous aliĂ©ner ou nous remplacer. Ici, quand je parle de “nous” je veux parler de l’HumanitĂ© dans son ensemble. Ă€ une autre Ă©chelle, il est Ă©vident que l’IA va remplacer l’ĂŞtre humain pour certaines tâches / mĂ©tiers (de mon avis, cela ne touchera que les bullshit jobs car pourquoi vouloir remplacer un job qui fait du sens Ă  un ou plusieurs humains et qui leur permet de s’accomplir ?).

Ainsi, plutĂ´t que se positionner sur le fait d’utiliser ou non les LLM, ce qui deviendra une chose courante pour tout.e.s, il est nĂ©cessaire de se demander comment utiliser sainement ces nouvelles technologies. En tant que dĂ©veloppeur, j’utilise occasionnellement ChatGPT pour gĂ©nĂ©rer des bouts de code pas très compliquĂ©s mais longs Ă  faire. Cela me permet de garder du temps pour des tâches plus crĂ©atives. L’utilisation fait sens car je maĂ®trise les compĂ©tences inhĂ©rentes Ă  mon mĂ©tier et je profite de la force de l’outil pour m’assister dans mon travail afin d’ĂŞtre plus efficace. Parfois j’apprends mĂŞme des choses lorsqu’il me renvoie des manières de faire dont je n’avais pas pensĂ©. Avant tout, je suis capable de faire mon mĂ©tier sans l’IA.

Dans le cadre de l’enseignement, c’est diffĂ©rent. C’est par sa formation que l’Ă©tudiant.e apprend son mĂ©tier futur et acquiert ses compĂ©tences principales. Si il ou elle utilise ChatGPT (ou autre) pour trouver la solution Ă  tout problème, en examen ou pour tout exercice posĂ©, alors il ou elle sera toujours dĂ©pendant.e de l’outil. Ă€ quoi bon faire passer des examens et Ă©valuer les compĂ©tences si c’est ChatGPT qui y rĂ©pond ?

La formation, notamment dans le domaine technique, doit permettre la crĂ©ation d’un esprit critique, de savoir faire la part des choses entre ce qui est juste et ce qui est faux. Entre ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Encore une fois, si l’Ă©tudiant.e dĂ©lègue toute rĂ©flexion dans le cadre de son apprentissage aux LLM, comment il ou elle sera capable de remettre en cause ce que lui rĂ©pond la machine ?

Cette problĂ©matique prend encore plus d’ampleur avec les IA publiquement accessibles aujourd’hui: ces outils sont dĂ©veloppĂ©s par des entreprises Ă  but lucratif, notamment ChatGPT qui est fourni par OpenAI dont Microsoft est investisseur majoritaire. OpenAI a totalement la main sur le LLM et sur les rĂ©ponses qu’il renvoie. Ainsi, si un Ă©tudiant repose sa formation sur l’utilisation de ChatGPT, ses acquis et ses compĂ©tences seront guidĂ©s par les dĂ©sirs de l’entreprise qui le dĂ©tient.

Alors comment faire ? Est-ce qu’il faut faire l’impasse sur l’IA et toutes ses nouvelles possibilitĂ©s ? Faut-il interdire tout simplement ChatGPT Ă  l’Ă©cole ?

De mon avis non. Il serait bĂŞte d’ignorer que l’IA est en train de changer nos mĂ©tiers. En interdisant, on ne prĂ©pare pas les Ă©tudiants Ă  la vie professionnelle future. NĂ©anmoins, on peut leur apprendre Ă  utiliser les LLM pour “faire avec” plutĂ´t que “faire Ă  la place”.

J’ai posĂ© la question sur Mastodon pour avoir des Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion sur le sujet et j’ai eu une rĂ©ponse intĂ©ressante: Autoriser l’utilisation de ChatGPT, mais ceux qui veulent s’en servir ont des questions supplĂ©mentaires aux tests et examens oĂą ils reçoivent du code produit par un LLM ou un humain (ils ne savent pas) et doivent dĂ©terminer s’il fait bien ce qu’il doit dans tous les cas. Ça va soit faire retomber le hype, soit les former top notch. [Ă–lbaum]

Je trouve que c’est une très bonne solution pour dĂ©velopper l’esprit critique et qui va dans le sens d’une utilisation saine. Plus gĂ©nĂ©ralement, ce commentaire me fait rĂ©aliser qu’il faut Ă©galement revoir la manière dont on forme et on Ă©value.

Le contexte de la formation est une bonne occasion pour informer les futurs utilisateurs/trices, leur apprendre Ă  utiliser correctement l’IA et mettre en avant des outils informatiques ouverts et sains.

N’Ă©tant pas enseignant de profession mais simple chargĂ© de cours, je n’ai pas forcĂ©ment les clĂ©s pour mettre en place de nouvelles mĂ©thodes plus adaptĂ©es Ă  l’Ă©volution des mĂ©tiers. Je vais nĂ©anmoins tenter d’intĂ©grer un peu mieux l’IA dans mes cours en apprenant Ă  mes Ă©tudiants Ă  faire la part des choses.